Trois poèmes d’Yvan Goll (1891-1950) :
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« Les amants de la solitude
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Combien dans les chambres nocturnes
Ecartent de leurs mains fragiles
Les draps de plomb
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L’œil de la pendule est aveugle
La solitude
S’est pendue à l’espagnolette
Et le volet
Bat comme l’aile d’un ange blessé
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Ceux qui ne dorment pas attendent
Ils attendent le vent
Ils attendent la fin du monde
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Ah voici l’aube aux couleurs de framboise :
La vie reprend le goût âcre du sang »
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« Le cultivateur
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J’ai planté des comètes
Et semé la graine d’étoiles
Dans les champs vierges
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J’ai bâti ma maison d’aérolithes
Et regardé par la lucarne
Tourner le monde autour de moi
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J’ai bu le vin tonique de midi
Et rôti sur les branches du bouleau
Les fines alouettes
Assaisonnées aux cœurs d’œillets
Les prairies rendaient l’âme
Les pivoines pâmées éparpillaient leur sang
La rose des vents s’effeuillait
Les truites roses captivées se suicidaient
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J’ai longtemps attendu le plus grand jour
Où la moisson des astres
M’élèverait au rang des dieux
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Mais déjà durcissent mes mains
Mes yeux se vident
Mes dents pourrissent
La terre tourne en moulant sa poussière »
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« Fenêtre dans la nuit
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Dernier regard
Eclos au-dessus de la ville
Si loin si proche
Es-tu l’étoile la plus grande
Ou la chambre la plus petite
Qui veille sur la terre ?
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Es-tu un monde en feu
Aux fleuves révoltés
Aux montagnes qui brûlent
Dès le début des siècles ?
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Es-tu la mansarde exiguë
Dont l’unique ampoule illumine
La pâle tête qui se penche
Craintive sur la page blanche ?
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Astre cosmique
Réduit humain
Le passant de la route vous salue »
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Yvan Goll (1891-1950)
(« Métro de la Mort » – 1936).
Un auteur que je découvre…
Sensible à ce lyrisme terrien, feutré, taiseux…
Merci pour cette découverte.
Une écriture bucolique émaillée de fulgurances « modernes » ou hors du temps.
Un coup de coeur.
Et je vais essayer d’en savoir plus.
Merci.
Je découvre aussi. Il émane l’espoir et la désespérance, j’aime beaucoup le premier pour son rythme, le dernier pour ses images, merci, donc, de ce partage.
merci de m’avoir fait découvrir ces textes magnifiques et pourtant désespérés.
mais au fond, la vie n’est-elle pas fondamentalement désespérante…..
merci de m’avoir fait découvrir ces poèmes désespérés, et cette prodigieuse écriture.
la vie n’est-elle pas foncièrement désespérante puisque vouée à finir ?