Poèmes d’Edmond Vandercammen.
« Du côté de la mer
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Nous regardions du côté de la mer
Les cheveux légers rêveurs d’infini,
Indocile galop dans un matin
Promis aux convergences des mouettes.
Nous descendions, émigrants sans bagages,
Aux profondeurs des lointains souvenirs ;
L’espace était complice de nos yeux,
Mais l’horizon cachait tous les navires
Et nous pensions qu’il s’étendait pour nous trahir.
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Nous étions seuls avec le temps de faire
En nous-mêmes d’impossibles voyages. »
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« Rôle de la boue
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La boue n’est pas déshéritée
En cette ornière qui l’enfante ;
Ni déchéance ni mensonge,
Ni tristesse ni imposture.
Lorsqu’elle accueille votre pas,
C’est par refus d’une poussière
Où vous auriez perdu la trace
D’une amoureuse rêverie.
Ni sacrilège ni dédain,
Rien que souci d’obéissance
A la mémoire de la pluie
Qui fut délire de l’orage.
N’accusez pas le vieux chemin
Qui vous conduit au souvenir ;
L’instant n’est pas enseveli
Si votre marche a reconnu
La certitude de l’argile.
Mais les passants de la méprise,
Que sauront-ils de cette boue
Empreinte en son humilité
Du poids terrestre de leur corps ? »
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« Edition du matin
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Chaque blessure affame un autre crime
Chaque parole allume son bûcher
De haine. Et les otages du matin
Portent la nuit sur leurs épaules nues.
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Tous les oiseaux chanteurs quittent l’aurore
Pour regagner leurs forêts calcinées ;
Ils ont destin du dernier cri des morts,
Leur vol est un mouchoir couleur de sang.
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Prends le journal du régnant aujourd’hui :
Vois-tu saigner le marbre et la machine ?
L’encre des mots entraîne ton regard
Vers l’arme la plus sûre du malheur.
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Chaque nouvelle te sépare de toi-même. »
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Edmond Vandercammen – « Le jour est provisoire » (1966)
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