Pas un jour de plus,
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Sans attendre midi à sa porte
Les bras chargés de fleurs
Au fusil rouillé à terre
Sans l’aiguille dans la meule
De foin frais où roulent les amours
En plein ciel
Sans chercher les poux sur la tête
Du rêveur
La mélancolie au fond du puits
Sans la vérité ivre de sel
Déposé sur les vitres
Sans la trace des petites mains
De tous les ballons rouges
De nos innocences
Ajourées….
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Le sommeil entre les dents, la bouche close, j’ai ouvert les rideaux et les volets, j’ai laissé entrer le jour.
Lui, grave et joyeux comme un jeune chien, a ouvert les fenêtres.
Levé depuis des heures, il amenait avec lui les odeurs de l’automne : l’air frais, la terre endormie -presque- sous les feuilles, les feuilles retournées par les pieds des enfants, la fumée paresseuse d’un feu réconfortant dans une cheminée bien sage, attentive aux histoires qu’on lui conterait bientôt…
Cet ami commun -le jour- offrait aussi ses souvenirs de lumières, aperçues dans les angles encore sombres de son regard : quelques maisons, petites comme les miniatures des maquettes de trains électriques installées dans les chambres ou dans les greniers-et conservées- avec amour par les pères et leurs fils.
Accaparée par le temps et ses crises d’urgence, de trop tard, de plus vite, j’avais oublié sa douceur et l’affection profonde que nous ressentions l’un pour l’autre .
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Les dés veulent devenir ronds
Qu’on ne les accuse plus
De coups du sort défavorables
Ils veulent connaître le creux des mains
Et comme les balles bondir et rebondir
Finis les chiffres plus ou moins porte-bonheurs
Seul le zéro sera le plein et le néant
Ensemble complet, cocon douillet, vide sidéral
Petit frère des yeux avant que les lèvres
Ne dessinent ce « O » premier pas vers le poème
Le hasard se repose et nous veillons
Petites bulles échappées de nos cerveaux pour se rejoindre
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Sous l’océan trop de lanternes brûlent
Il ne faut pas leur chercher une voie
Tous les chemins mènent au même but
Qu’il soit ou non visé par nos obus
Plus nous creusons le sol plus l’or s’éloigne
De nos coffres plus l’air devient irrespirable
On croit pouvoir sourire à la vie sans un masque
Sur lequel nos amis lisent que tout va bien
Et que la terre est tendre avec les trépassés
Nous ne manquons pas d’eau mais l’eau glisse sur nous
Comme sur un écueil car nous fermons les yeux
Et nous ne pipons mot les mâchoires serrées
A l’exemple du tas de cailloux silencieux
Dont le poids nous protège.
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C’est un jour de fin mars coquet, un jour où on commence à laisser les fenêtres ouvertes.
Une robe de chambre bleu sombre à carreaux rouges s’évade par l’oculus de la salle de bains.
Elle plane lentement vers la corde à linge tendue dans le jardin, entre le prunus tout rouge et le pommier tout blanc.
Elle se pose et parle aux serviettes qui se plaignent amèrement de leur sort.
— On ne voit le jour que pour se retrouver sur des assiettes ébréchées posées sur une nappe anonyme.
On est salies, froissées, on voit des bouches avides, édentées, des joues rougeaudes, quel spectacle !
On est lavées, on pend ici et on retourne, après un repassage écrasant, dans notre armoire à l’odeur de lavande défraîchie et tout recommencera pour les quatre-vingts ans de l’oncle Paul, la communion du petit dernier ou la venue du chef du personnel qui est aussi l’amant de la maîtresse de maison.
—Je suis là dit la nappe anonyme, sur l’autre fil, je vous écoute malgré le vent.
— Nous aussi disent deux paires de draps rapiécés qui jouent mollement les étendards.
La robe de chambre fut persuasive—Libérez-vous de vos pinces, nous sommes libres, je vous promets des ciels mauves et des prairies odorantes, plus de plis, que des voltes, nous couvrirons des statues, nous fêterons des 14 juillets et animerons des carnavals de folie. Nous danserons avec des falbalas.
Mais la nappe anonyme à l’esprit pratique dit — Et quand il n’y aura plus de vent et autres fanfreluches ?
—Alors nous descendrons des rivières et des fleuves, on habillera des baleines, on emmaillotera des méduses de lin transparent, on coulera des jours heureux sur des fonds sablonneux si doux si propres que nous ne connaîtrons plus jamais de lessives.
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Ont participé : Phoenixs la magnifique qui offre si souvent les titres, Eclaircie la plus belle des fées, 4Z au front sage, Héliomel enchanteur des plumes et des chaudières, et moi.
Merci à Eclaircie et à Phoenixs pour le titre.
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