Boulevard de la rime,
Au bout de l’asphalte
Un terrain vague
Rivage cobalt
Haleine tag
Sur les murs sueurs
D’urbains mécaniques
Le noir couleur
Grise l’ironique
Destin des impasses
Crasses
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Bien que rien
ne les prédestinaient à se rencontrer,
Le bon ordre des choses fut bien vite chamboulé
Un matin d’été, où tout s’entremêla…
Je m’en vais vous le conter si tôt
Dans le quartier de Rues,
tout le monde s’agitait
était pressé, courait sans cesse,
Un seul mot d’ordre importait: travailler,
gagner toujours plus de pièces, rien d’autres ne comptait
Dans le quartier de Boulevards,
tout le monde se prélassait
respirait, se regardait,
Un seul mot d’ordre importait: se regarder encore,
faire partie de la fête et parEtre le plus beau
Tout aurait pu continuer ainsi à jamais en deux mondes parallèles,
sans ces deux jeunes souris qui
Un beau matin d’été décidèrent de quitter un instant Boulevards et son théâtre
pour venir rencontrer Rues et ses pavés! Et Vice versa! Et partager!
Ce qu’il en sortit?
Un matin de Fraternité retrouvé
Où chacun comprit enfin
l’importance de Rues et Boulevards rassemblés
Ne jouant ainsi plus que dans une seule respiration, où
toutes les pièces à gagner et celles à gagner à voir et à applaudir appartenaient à un seul et même lieux: ENTRE RUES et BOULEVARDS… CRÉATION
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….Entre rues et boulevards
….La nuit, néons racoleurs rouges
….Une femme, de ses longs ciseaux noirs,
….Découpe le macadam
….Nomade urbaine des passages non protégés
….C’est une part d’humanité dans un angle mort
Entre rues et boulevards
….Derrière les façades
….Des rêves croulent à tous les étages
….Pour les voyageurs sans bagages
….Et personne ne connaît la fin de leur chute
….Entre rues et boulevards
….L’ombre s’efface avant le petit jour
….Le chemin de l’exil est le même
Tout le reste est impasse
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À l’ombre des tours généreuses
Les rues préservent leurs secrets
Le soupirail abritant la nuit
L’empreinte des passants pressés
Et cet embryon de verdure qui résiste
Quand les boulevards n’ont d’autre choix
Que la forme longiligne
Le carrefour parfait et l’arbre ciselé
Mais aucun ne sait le nombre de pas
Ni l’éventail des mots
Que l’on déploie pour appeler les portes à s’ouvrir
Et les fenêtres à sourire dès l’aube de chaque matin
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« Entre rues et boulevards » sous tous les angles de vue.
Mis en images par : Phoenixs, Marjolaine, Kiproko et Éclaircie.
Élisa présente depuis son jardin, silencieuse.
4z pour toujours à nos côtés.
Que d’aventures dans ces rues qui débouchent sur les boulevards bordés de récits réverbères !
La ville des mots est bien plus active que celle des maux.
Elisa doit sûrement être assise sur le banc près du square pendant que 4Z écrit sur le tronc des arbres 🙂
Entre rues et boulevards j’ai trouvé quelques arbres. Nous respirons ensemble, au rythme de vos voix, sérieuses et belles. Bravo à toutes !
Pour vous, encore un « petit »…Poème d’Emile Verhaeren
Du fond des brumes,
Là-bas, avec tous ses étages
Et ses grands escaliers et leurs voyages
Jusques au ciel, vers de plus hauts étages,
Comme d’un rêve, elle s’exhume.
Là-bas,
Ce sont des ponts tressés en fer
Jetés, par bonds, à travers l’air;
Ce sont des blocs et des colonnes
Que dominent des faces de gorgonnes;
Ce sont des tours sur des faubourgs,
Ce sont des toits et des pignons,
En vols pliés, sur les maisons;
C’est la ville tentaculaire,
Debout,
Au bout des plaines et des domaines.
Des clartés rouges
Qui bougent
Sur des poteaux et des grands mâts,
Même à midi, brûlent encor
Comme des oeufs monstrueux d’or,
Le soleil clair ne se voit pas:
Bouche qu’il est de lumière, fermée
Par le charbon et la fumée,
Un fleuve de naphte et de poix
Bat les môles de pierre et les pontons de bois;
Les sifflets crus des navires qui passent
Hurlent la peur dans le brouillard:
Un fanal vert est leur regard
Vers l’océan et les espaces.
Des quais sonnent aux entrechocs de leurs fourgons,
Des tombereaux grincent comme des gonds,
Des balances de fer font choir des cubes d’ombre
Et les glissent soudain en des sous-sols de feu;
Des ponts s’ouvrant par le milieu,
Entre les mâts touffus dressent un gibet sombre
Et des lettres de cuivre inscrivent l’univers,
Immensément, par à travers
Les toits, les corniches et les murailles,
Face à face, comme en bataille.
Par au-dessus, passent les cabs, filent les roues,
Roulent les trains, vole l’effort,
Jusqu’aux gares, dressant, telles des proues
Immobiles, de mille en mille, un fronton d’or.
Les rails raméfiés rampent sous terre
En des tunnels et des cratères
Pour reparaître en réseaux clairs d’éclairs
Dans le vacarme et la poussière.
C’est la ville tentaculaire.
La rue – et ses remous comme des câbles
Noués autour des monuments –
Fuit et revient en longs enlacements;
Et ses foules inextricables
Les mains folles, les pas fiévreux,
La haine aux yeux,
Happent des dents le temps qui les devance.
A l’aube, au soir, la nuit,
Dans le tumulte et la querelle, ou dans l’ennui,
Elles jettent vers le hasard l’âpre semence
De leur labeur que l’heure emporte.
Et les comptoirs mornes et noirs
Et les bureaux louches et faux
Et les banques battent des portes
Aux coups de vent de leur démence.
Dehors, une lumière ouatée,
Trouble et rouge, comme un haillon qui brûle,
De réverbère en réverbère se recule.
La vie, avec des flots d’alcool est fermentée.
Les bars ouvrent sur les trottoirs
Leurs tabernacles de miroirs
Où se mirent l’ivresse et la bataille;
Une aveugle s’appuie à la muraille
Et vend de la lumière, en des boîtes d’un sou;
La débauche et la faim s’accouplent en leur trou
Et le choc noir des détresses charnelles
Danse et bondit à mort dans les ruelles.
Et coup sur coup, le rut grandit encore
Et la rage devient tempête:
On s’écrase sans plus se voir, en quête
Du plaisir d’or et de phosphore;
Des femmes s’avancent, pâles idoles,
Avec, en leurs cheveux, les sexuels symboles.
L’atmosphère fuligineuse et rousse
Parfois loin du soleil recule et se retrousse
Et c’est alors comme un grand cri jeté
Du tumulte total vers la clarté:
Places, hôtels, maisons, marchés,
Ronflent et s’enflamment si fort de violence
Que les mourants cherchent en vain le moment de silence
Qu’il faut aux yeux pour se fermer.
Telle, le jour – pourtant, lorsque les soirs
Sculptent le firmament, de leurs marteaux d’ébène,
La ville au loin s’étale et domine la plaine
Comme un nocturne et colossal espoir;
Elle surgit: désir, splendeur, hantise;
Sa clarté se projette en lueurs jusqu’aux cieux,
Son gaz myriadaire en buissons d’or s’attise,
Ses rails sont des chemins audacieux
Vers le bonheur fallacieux
Que la fortune et la force accompagnent;
Ses murs se dessinent pareils à une armée
Et ce qui vient d’elle encore de brume et de fumée
Arrive en appels clairs vers les campagnes.
C’est la ville tentaculaire,
La pieuvre ardente et l’ossuaire
Et la carcasse solennelle.
Et les chemins d’ici s’en vont à l’infini
Vers elle.
Bravo aux plumes fertiles !
Comme quoi tous les chemins, les rues et même les boulevards mènent à la poésie !
Couplet de la ru Bagnolet de Robert Desnos
Le soleil de la rue de Bagnolet
N’est pas un soleil comme les autres.
Il se baigne dans le ruisseau,
Il se coiffe avec un seau,
Tout comme les autres,
Mais, quand il caresse mes épaules,
C’est bien lui et pas un autre,
Le soleil de la rue de Bagnolet
Qui conduit son cabriolet
Ailleurs qu’aux portes des palais.
Soleil ni beau ni laid,
Soleil tout drôle et tout content,
Soleil d’hiver et de printemps,
Soleil de la rue de Bagnolet,
Pas comme les autres.
Sur le trottoir flambant d’étalages criards,
Midi lâchait l’essaim des pâles ouvrières,
Qui trottaient, en cheveux, par bandes familières,
Sondant les messieurs bien de leurs luisants regards.
Pour les jolies passantes de Poésie Fertile…
Les boulevards de Jules Laforgue
J’allais, au spleen lointain de quelque orgue pleurard,
Le long des arbres nus aux langueurs printanières,
Cherchant un sonnet faux et banal où des bières
Causaient, lorsque je vis passer un corbillard.
Un frisson me secoua. – Certes, j’ai du génie,
Car j’ai trop épuisé l’angoisse de la vie !
Mais, si je meurs ce soir, demain, qui le saura ?
Des passants salueront mon cercueil, c’est l’usage ;
Quelque voyou criera peut-être : « Eh ! bon voyage ! »
Et tout, ici-bas comme aux cieux, continuera.
Sur le trottoir….luisants regards.
est la première strophe du poème de Jules Laforgue
Pas de kiproko !