Saisir l’instant tel une fleur
Qu’on insère entre deux feuillets
Et rien n’existe avant après
Dans la suite infinie des heures.
Saisir l’instant.
Saisir l’instant. S’y réfugier.
Et s’en repaître. En rêver.
À cette épave s’accrocher.
Le mettre à l’éternel présent.
Saisir l’instant.
Saisir l’instant. Construire un monde.
Se répéter que lui seul compte
Et que le reste est complément.
S’en nourrir inlassablement.
Saisir l’instant.
Saisir l’instant tel un bouquet
Et de sa fraîcheur s’imprégner.
Et de ses couleurs se gaver.
Ah ! combien riche alors j’étais !
Saisir l’instant.
Saisir l’instant à peine né
Et le bercer comme un enfant.
A quel moment ai-je cessé ?
Pourquoi ne puis-je… ?
Saisir l’instant.
Merci de ce partage, Kiproko, je ne connaissais pas du tout Esther Granek, que je découvre.
Eclaircie, voici un autre poème d’Esther Granek. Elle est décédée en 2016. Elle était belge et israélienne. Elle était une rescapée de la Shoah.
Regard
Toute aube est neuve. En chaque ciel.
Et chaque émoi est né premier.
Et ne se sait vague éternelle.
Montant. Sans fin recommencée.
Il n’est d’usure.
Or moi qui dure,
que mon regard parfois s’ennuie !
Le vent peut user les rochers.
Tout leurre est neuf. Lui viennent des ailes.
Comme à chanson du mois de mai.
Et ne se sait souffle éternel
où tout expire. Et se refait.
Il n’est d’usure.
Or moi qui dure,
que mon regard parfois s’ennuie !
Le temps usera les pavés.
Tout être est neuf. Unique objet.
En son château ou sa venelle.
À chaque pas, pensant créer,
rejouera cirque éternel.
Il n’est d’usure.
Or moi qui dure,
Que mon regard parfois s’ennuie !