Je suis un chien
Pelage terne, peau fatiguée
Regard inquiet
Ta démarche est souple
Je suis la boue sur le sentier
Dans l’ornière dépourvue de couleur
Pleine de vide
Tu me découvres
Je suis le chancre sur la belle écorce
Que je ronge assidûment
Jusqu’à prendre la vie de l’arbre
Tes lèvres se rejoignent en une moue de dégoût
Je suis l’enfant sale
Assise au bord d’une route
Le dos cloué à son sort
Tu ouvres ton parapluie.
Je suis sans visage
Nous nous croisons anonymes
Sans jamais nous toucher
Tu es parti.
Ton sillage parfumé m’enivre quelques instants
Je ferme les yeux puis à mon tour
Je disparais.
De ces rencontres improbables ou permanentes, Élisa choisit de nous présenter la plus tragique. Son œil en position « grand angle » déforme-t-il ses deux personnages ? On le voudrait, tant l’image est saisissante de contraste douloureux. Ou peut-être ces deux personnages ne sont que les faces d’un seul. Tout est possible lorsque Élisa écrit, surtout de marquer profondément le lecteur.
….disparaître pour affirmer l’image d’une réalité tellement incertaine! la vision intérieure de l’âme privilégie ( comme éclaircie l’écrit) la position grand angle qui propose hors dimension ce vide empli de tant de pleins anonymes
*est-ce vide le vide* ….
toni
Dans votre écriture, souvent, apparaissent des êtres éthérés, impalpables, mais dont on ne sait vraiment quel poids ou quelle douleur les retient à la surface du monde. Pourtant déjà partis, ils s’accrochent encore à celui-ci par quelques bribes de mémoire, cherchant à discerner ce qui s’est passé.
Merci Elisa
Rien à écrire de plus puisque l’essentiel émane ++++
Puisque je suis maladroite lorsqu’il s’agit de moi et puisque vos commentaires sont si beaux, laissez-moi vous remercier avec un tout petit poème -d’autres mots que les miens- que je lis certains matins :
« Heureusement que ce peuplier
A choisi de vivre
La tête haute
Grâce à lui
Je vois »
Philippe de Boissy, « La lampe sous le boisseau », édité pour le compte de l’Atelier du Guy, page 46.