Un Poème de Claude-Jean Bébar :
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« Sous la dictée de l’eau
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Sous la dictée de l’eau caractérielle écrire
Et savoir où l’on va quoique rien ne l’indique
Ni sur la borne l’ordre exprès de renoncer
Ni dans les plis du ciel l’avant-goût de l’orage
Ecrire se décide après avoir usé
Des chemins verticaux zébrés par les éclairs
On y a vu surgir instantanée l’image
De notre quotidien dans ses cérémonies.
A peine nommé l’arbre allonge les antennes
Que le poids des oiseaux trop nombreux fait trembler
Les feuilles d’un vert sombre émettent des sons tristes
Quand le vent les secoue pour annoncer l’averse
Alors le jour pressé rentre ses projecteurs
Le miroir désapprend la lecture et s’éteint
Faute d’un vrai visage à retourner blanchi.
Parmi les mots et les fourmis des travailleuses
Nourrissent le poème en lui offrant des fruits
Tombés de l’arbre auquel la foudre rend hommage
En l’épargnant – il est notre meilleur abri
Contre le soleil chauve et ses archers d’alu.
Le bleu calme les doigts comme un clavier docile
On se laisse aspirer par le profond zéro
Comme par l’entonnoir les lacs à l’agonie
Mais nous restons debout le chiffre est un mirage
La mer retient la terre au moment de tomber
Les lettres de nos noms flottent bouées ou barques
On s’y endort avec l’espoir de rencontrer
En rêve le réel tel que nous le rêvons
Derrière une fenêtre échappant à son cadre
Pour explorer le ciel et le tordre s’il tait
La vérité sur la naissance des étoiles
Et la recette pour réussir un couscous. »
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Claude-Jean Bébar « Vaines Ascensions du Ciel par l’eau » (2004).
Claude-Jean Bébar est un poète singulier dont on aperçoit l’ombre quand la lumière s’y prête.
Très singulier, en effet, unique même, je dirai.
La lumière lui aura prêté la fulgurance de l’image et je suis sûre que son ombre ne le suit pas toujours, mais s’arrête pour s’étonner de sa lecture et reprend sa place avant qu’il ne s’en aperçoive.
Il aura transformé l’eau des rivières et océans en une encre subtile ; les poissons sous le charme lui font une haie d’honneur où précédé et suivi par la foudre il offre ce poème aux vagues qui s’immobilisent pour ne pas l’effacer.
J’ai crû rêver. Ou était-ce un réel encore inexploré ?
Un réel encore inexploré.
André Breton dans « le Manifeste du Surréalisme » (1924) écrit qu’il espère parvenir à « la résolution de ces deux états en apparence si contradictoires que sont le rêve et la réalité en une sorte de « réalité absolue » « .
Grand poète pas assez connu ce Jean-Claude Bébar !
Du titre au titre du recueil, en passant par les images du poème, tout ici est délectable.