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Le monstre
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En face d’un miroir est une femme étrange
Qui tire une perruque où l’or brille à foison,
Et son crâne apparaît jaune comme une orange
Et tout gras des parfums de sa fausse toison.
Sous des lampes jetant une clarté sévère
Elle sort de sa bouche un râtelier ducal,
Et de l’orbite gauche arrache un oeil de verre
Qu’elle met avec soin dans un petit bocal.
Elle ôte un nez de cire et deux gros seins d’ouate
Qu’elle jette en grinçant dans une riche boîte,
Et murmure : « Ce soir, je l’appelais mon chou ;
« Il me trouvait charmante à travers ma voilette !
« Et maintenant cette Ève, âpre et vivant squelette,
« Va désarticuler sa jambe en caoutchouc ! »
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• Maurice Rollinat [ 1846-1903 ] •
• Les Névroses – 1883 •
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Ca fait frémir…
Peut-être est-ce ensuite qu’il a écrit la folie ?
« La Folie
La tarentule du chaos
Guette la raison qu’elle amorce.
L’Esprit marche avec une entorse
Et roule avec d’affreux cahots.
Entendez hurler les manchots
De la camisole de force !
La tarentule du chaos
Guette la Raison qu’elle amorce.
Aussi la Mort dans ses caveaux
Rit-elle à se casser le torse,
Devant la trame obscure et torse
Que file dans tous les cerveaux
La tarentule du chaos. »
Merci pour le portrait du monstre m’sieur Oulra
s’il avait vu les scandales liés aux prothèses, il se serait bien marré:)
J’allais le dire 😉
ohhhhhh ! z’êtes pas sérieux !
Ce poème, je ne le connaissais pas. Une découverte dont je te remercie, Oulra. Rollinat, le « Baudelaire du pauvre », on devrait le rééditer. Son « Monstre » fait songer, toutes proportions gardées, aux « Métamorphoses du Vampire » dont les lecteurs assidus de « Fleurs du Mal » se souviennent.
J’aime bien les sonnets qui n’ont pas un sujet classique.