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Les vagues se léchaient les babines Le linge
Le souffle de la mer le berçait sur les toits
Les villas pour répondre aux flots qui les tutoient
Leur faisaient don des fleurs qu’avait cueillies Solange
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Pacifique Sud 1979
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Archive mensuelle : mai 2012
55 lignes en folie
Au bord des falaises
Sur l’eau taciturne
Leurs portions magiques
Certes, on les voit encore
Les promeneurs en scaphandre se congratulent
Un navire inondé coule au fond du plancher
Ainsi qu’une aimable souris qui passait par là
Et nul nageur n’y plonge il fait trop froid
Les miroirs aussi cachent des secrets
La cloche s’entête et sonne l’heure du goûter
La craie trace une route qui ne mène nulle part
.
Quittant leur bocal grand comme un océan
Les sirènes dansent encore
Ne sont que walkyries
Pour aller faire du shopping dans la dernière déferlante
Leurs portions magiques
Mais les sorcières n’ont plus de ronds
Sécher certes est sans gravité mais durcir ?
A l’origine de sa propre existence
Ou seulement au jardin des souffles
Quand les pique-niques étalés sur la vague
Un visage inconnu occupe le cadre
.
De voir que leur monde
Dans lequel notre portrait, une face de carême
Attirait tous les regards même les plus blasés
Toutes les nuits la lune se noie dans l’étang
Le bois mouillé est-il long à sécher ?
Est-ce celui de l’astre nocturne ?
Si gâchant la peinture il déchirait la toile
On le verrait cracher des poissons
Jeter leurs fiels et leurs araignées
A défaut de moussaillons l’horloge qui
Rêve d’être étoile ou au moins petit rat
.
Sur les toits de New-York
Nulle barque ne glisse au secours de la distraite
Qu’à un cheveu sur les lagunes
Fait peur aux sorcières
Adieu crapauds, adieu chimères
Les enfants sont ébahis
Les dames de la mer les arborent en peigne
Leurs portions magiques
Au moindre nuage s’échouent les greniers
Elles balaient leurs oublies
Ne filtrent que les fils du vent
.
Depuis la fin des temps c’est à dire de l’arbre
Qu’elles lisent leur passé
Les algues seront les couches des marins rêvant de sommeil
Et leurs lourdes paupières fripées
Dans les réservoirs qui perchent
Sont réservés aux poissons privés de leurs écailles
Les villes sont sur pilotis les ancres ne tiennent plus
Et le chien aboie en vain
Outrageusement maquillé à peine reconnaissable
Dans lequel notre portrait, une face de carême
Convie à sa table Acamar Achernar et Acrux
bailleurs de fonds:
4elcimelza
L’origine des étoiles
Un navire inondé coule au fond du plancher
La cloche s’entête et sonne l’heure du goûter
Le bois mouillé est-il long à sécher ?
Sécher certes est sans gravité mais durcir ?
A défaut de moussaillons l’horloge qui
(Depuis la fin des temps c’est à dire de l’arbre
A l’origine de sa propre existence)
Rêve d’être étoile ou au moins petit rat
Convie à sa table Acamar Achernar et Acrux
Ainsi qu’une aimable souris qui passait par là
Au bord des falaises
La craie trace une route qui ne mène nulle part
Ou seulement au jardin des souffles
Là les sirènes dansent encore
Les promeneurs en scaphandre se congratulent
Quand les pique-niques étalés sur la vague
Sont réservés aux poissons privés de leurs écailles
Les dames de la mer les arborent en peigne
Quittant leur bocal grand comme un océan
Pour aller faire du shopping dans la dernière déferlante
Les villes sont sur pilotis les ancres ne tiennent plus
Qu’à un cheveu sur les lagunes
Au moindre nuage s’échouent les greniers
Les algues seront les couches des marins rêvant de sommeil
Toutes les nuits la lune se noie dans l’étang
Et le chien aboie en vain
Nulle barque ne glisse au secours de la distraite
Sur l’eau taciturne
Et nul nageur n’y plonge il fait trop froid…
Les miroirs aussi cachent des secrets
Un visage inconnu occupe le cadre
Dans lequel notre portrait une face de carême
Attirait tous les regards même les plus blasés.
Est-ce celui de l’astre nocturne
Outrageusement maquillé à peine reconnaissable ?
On le verrait cracher des poissons
Si gâchant la peinture il déchirait la toile.
Certes, on les voit encore
Jeter leurs fiels et leurs araignées
Dans les réservoirs qui perchent
Sur les toits de New-York
Mais les sorcières n’ont plus de ronds
Et leurs lourdes paupières fripées
Ne filtrent que les fils du vent
Adieu crapauds, adieu chimères
C’est dans le marc de cafard
Qu’elles lisent leur passé
Elles balaient leurs oublies
Butent sur leurs incantations
Leurs portions magiques
Ne sont que walkyries
Les enfants sont ébahis
De voir que leur monde
Fait peur aux sorcières
On dit qu’il y a mille sorcières pour un sorcier
Heureux sorcier!
Elisa dans l’astronef
Marie-Claire au bord des falaise
4Z dans le cadre
et votre serviteur sur le toit de New-York
Maintenance des ours
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La nuit de café noir déborde et frit bouillante
sur la plaque électrique,
des folies minuscules.
Peau du dos de la chaise
les manches attendent encore un peu…
Les ours sont là (comme toujours).
Par la fenêtre
en cuisine des horaires décalées, un avion se tire d’aile,
L’horizon se déplace d’un grincement de craie, d’un trait dans le marc,
clown de nuit, la radio murmure enjouée
sa pêche forcée.
Dehors tout dodeline car ici tout marmonne.
Badigeonné de crêpe,
c’est un petit fantôme qui s’en va anonyme
laver-classer-plier* où l’on ne fait que passer,
*mourir d’usure aussi
au long des plinthes, au long des pluies du bruit veilleur de nuit :
maintenance invisible.
La gueule, infecte grise, d’une sirène alarme,
petite main de l’ombre…
Nourrir les ours,
la grande puis la petite suivant la procédure, ne pas réveiller l’autre
éteindre enfin.
Éteindre, pour que le jour s’allume,
et ne voit pas dans son ubac.
Alors tout s’étire :
c’est l’heure où l’on s’incarne.
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UN POEME DE ROBERT DESNOS
« AVEC LE CŒUR DU CHENE
Avec le bois tendre et dur de ces arbres, avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau combien ferait-on de ciels, combien d’océans, combien de pantoufles pour les jolis pieds d’Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau.
Avec le ciel combien ferait-on de regards, combien d’ombres derrière le mur, combien de chemises pour le corps d’Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel.
Avec les océans combien ferait-on de flammes, combien de reflets au bord des palais, combien d’arcs-en-ciel au-dessus de la tête d’Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans.
Avec les pantoufles combien ferait-on d’étoiles, de chemins dans la nuit, de marques dans la cendre, combien monterait-on d’escaliers pour rencontrer Isabelle la vague ?
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans, avec les pantoufles.
Mais Isabelle la vague, vous m’entendez, n’est qu’une image du rêve à travers les feuilles vernies de l’arbre de la mort et de l’amour.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau.
Qu’elle vienne jusqu’à moi dire en vain la destinée que je retiens dans mon poing fermé et qui ne s’envole pas quand j’ouvre la main et qui s’inscrit en lignes étranges.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel.
Elle pourra mirer son visage et ses cheveux au fond de mon âme et baiser ma bouche.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans.
Elle pourra se dénuder, je marcherai à ses côtés à travers le monde, dans la nuit, pour l’épouvante des veilleurs. Elle pourra me tuer, me piétiner ou mourir à mes pieds.
Car j’en aime une autre plus touchante qu’Isabelle la vague.
Avec le cœur du chêne et l’écorce du bouleau, avec le ciel, avec les océans, avec les pantoufles. »
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Robert Desnos (1900-1945) (« Les Ténèbres » 1927).
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© Gallimard
Flaubert, poète en prose.
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« Emma ne dormait pas, elle faisait semblant d’être endormie ; et, tandis qu’il s’assoupissait à ses côtés, elle se réveillait en d’autres rêves.
Au galop de quatre chevaux, elle était emportée depuis huit jours vers un pays nouveau, d’où ils ne reviendraient plus. Ils allaient, ils allaient, les bras enlacés, sans parler. Souvent, du haut d’une montagne, ils apercevaient tout à coup quelque cité splendide avec des dômes, des ponts, des navires, des forêts de citronniers et des cathédrales de marbre blanc, dont les clochers aigus portaient des nids de cigognes. On marchait au pas, à cause des grandes dalles, et il y avait par terre des bouquets de fleurs que vous offraient des femmes habillées en corset rouge. On entendait sonner des cloches, hennir les mulets, avec le murmure des guitares et le bruit des fontaines, dont la vapeur s’envolant rafraîchissait des tas de fruits, disposés en pyramide au pied des statues pâles, qui souriaient sous les jets d’eau. Et puis ils arrivaient, un soir, dans un village de pêcheurs, où des filets bruns séchaient au vent, le long de la falaise et des cabanes. C’est là qu’ils s’arrêteraient pour vivre ; ils habiteraient une maison basse, à toit plat, ombragée d’un palmier, au fond d’un golfe, au bord de la mer. Ils se promèneraient en gondole, ils se balanceraient en hamac ; et leur existence serait facile et large comme leurs vêtements de soie, toute chaude et étoilée comme les nuits douces qu’ils contempleraient. Cependant, sur l’immensité de cet avenir qu’elle se faisait apparaître, rien de particulier ne surgissait ; les jours, tous magnifiques, se ressemblaient comme des flots ; et cela se balançait à l’horizon, infini, harmonieux, bleuâtre et couvert de soleil. Mais l’enfant se mettait à tousser dans son berceau, ou bien Bovary ronflait plus fort, et Emma ne s’endormait que le matin, quand l’aube blanchissait les carreaux et que déjà le petit Justin, sur la place, ouvrait les auvents de la pharmacie. »
Gustave Flaubert –« Madame Bovary » (1857)
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Un poème de Pierre Jean Jouve
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« Lamento
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Mes mortes sont couchées dans des tombeaux ouverts
Sans histoire sous les pluies glacées de mes vivantes
Sont blessées par mes yeux et mes noirs souvenirs
Je songe en gémissant à ces poils de son âme
Qui noirs étaient beaux comme l’encre de Chine
Au temps des cerises
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Qui roux parfumaient le silence sans honte
Et m’accablaient de faute et de froideur
Et combien j’étais triste à la terrible chambre
A ses mains mais je confonds les mains
Les grandes mains bleutées promises au sommeil
Et les nattes coupées
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Et combien dans les rites d’infidélité
S’accomplissait le sein de ma fidélité
Et quel égarement prenait tout ce labeur
Absolu ! Saint des seins
Saint des saints retourne à ta haute nature
Car j’arrive là-bas vers le tombeau ouvert. »
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Pierre Jean Jouve (« Kyrie » 1938).
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Les rats n’ont pas toujours raison
Le spectacle fait relâche
La voyeuse avide réserve son œil
Pour la reprise
Le rideau frémit-il
L’acteur serait parti à la pêche à la lune
Sur la bicyclette funambule
Et somnambule
Dans le train de nuit stoppé en pleine campagne
Les petits rats guettent les bourgeons
Sur l’estrade de la gare
Nous rangerons les livres
Dans les coffres de fortune
Les laisserons à la consigne
Ils sauteront dans les bras des patients
Pour leur illuminer l’attente
Un caniche en calèche
Un lèche frite en fuite
Croisés à la sauvette
Entre deux péages
Tout disparait parfois
Sous le goudron fumant
Déroutes programmées
Pour voyages incertains
Comme le gras trouble
L’eau qui dort d’un œil
Notre ombre se dédouble
Et glisse vers le fauteuil
On lutte en vain contre le vent
Il évite tous les obstacles
Et la vague est trop pacifique
Pour mordre le pied des statues
– A qui la faute Qui es-tu
Toi qui sans le moindre mot parles
– Même au silence je réplique
Les morts sauraient se tenir cois
Si l’autan leur montrait l’exemple
Mais l’horizon que l’on recoud
Avec un fil trop ordinaire
Ecarte tout préliminaire
Et craque ignorant les trois coups
– En colère tu lui ressembles
C est l hélice qui choisit la mouette rieuse – toujours
Le petit homme en uniforme comme tous les matins tente de la saisir par les pattes dans son vol
Perché en haut de son mat sa casquette s’est envolé
En un instant il ne sait plus s’ il doit attraper la mouette ou bien sa casquette
Quand l avion passe l’ hélice engloutit une mouette chapeautée et un homme penaud tangue en haut de son poteau
Un poème de Lovecraft
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« Où Poe se promena jadis.
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Eternellement méditent les ombres sur ce sol,
Rêvant aux siècles qui se sont enfuis ;
De grands ormes se dressent solennellement près des dalles et des tertres,
Abritant de leur voûte le monde caché d’autrefois.
Sur ce paysage joue la lumière du souvenir,
Et les feuilles mortes chuchotent, évoquant les jours révolus,
Regrettant les images et les sons qui ont disparu.
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Triste et solitaire, un spectre se glisse le long
Des allées où ses pas l’ont conduit, de son vivant ;
Un regard ordinaire ne peut l’apercevoir, bien que son chant
Résonne à travers le Temps, empreint d’un charme mystérieux.
Seules les rares personnes connaissant les secrets de la sorcellerie
Entrevoient parmi ces tombes l’ombre de Poe. »
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Howard Phillips Lovecraft (1890-1937) (« Fungi de Yuggoth et autres Poèmes fantastiques » traduction : François Truchaud).
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Un texte de Benjamin Péret.
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« Le monde est fait d’eau, de terre, d’air et de feu et la terre n’est pas ronde mais a la forme d’un bol. C’est un sein du ciel ; l’autre se dresse au milieu de la voie lactée.
La terre engendre les mouches, fantômes diurnes préposés à sa garde lorsqu’il fait chaud car, par temps froid, la terre sèche, se fait courge et n’a plus besoin de gardiens, tandis qu’en été la fumée lui sort par les oreilles et, sans les mouches qui la guident vers le ciel, les nuages traîneraient sur la terre comme des chiffons sales.
Arrosée, la terre donne :
1. Le rouge à lèvres dont on extrait le baiser.
On distingue deux sortes de rouges à lèvres : le rouge ondulé à longues vagues qui, par distillation, donne les drapeaux et le rouge léger dont la fleur produit le baiser. Ce baiser s’obtient d’ailleurs de deux manières différentes, soit par dessication de la fleur cueillie au moment de l’éclosion, soit par écrasement de la graine qui donne une essence très volatile et difficile à conserver.
2. Le bain turc, qui s’obtient en pétrissant de la terre humide avec du lait caillé et fait tant de bruit qu’on l’a peu à peu relégué dans les régions désertiques.
3. La grenouille, qui dévore lentement la terre.
4. Le violoncelle, dont l’emploi est de plus en plus fréquent dans le thérapeutique de l’arthrite et, réduit en poudre, jouit d’une grande faveur dans le lavage des lingeries fines dont il n’attaque pas les couleurs.
5. Les lunettes de myope, qu’on obtient en ramollissant la terre dans une infusion bouillante de thé de Chine, puis en faisant cuire le tout au bain-marie.
De la terre humide, on extrait encore beaucoup de choses, comme la boussole, le cervelas, le boxeur, l’allumette, la préposition, etc…qu’employaient encore nos grands-mères mais qu’on ne trouve plus aujourd’hui que chez les antiquaires.
En soufflant sur la terre, c’est-à-dire en y introduisant de l’air, on obtient, si l’on souffle peu, la groseille à maquereau et, si l’on souffle fort, le tricycle. »
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Benjamin Péret « Histoire Naturelle – Les Quatre Eléments » (1947).
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